Nature et Utopie à L’âge Classique: Foigny, Veiras, Fontenelle
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À travers l’analyse de trois utopies narratives de l’époque louis-quatorzienne, cette thèse se fixe l’objectif d’explorer les liens entre les représentations de la nature et l’imaginaire politique à l’époque classique. Rédigées durant les dernières décennies du XVIIe siècle, dans le contexte de « la crise de la conscience européenne », selon la formule de Paul Hazard, La Terre australe connue de Gabriel de Foigny, l’Histoire des Sévarambes de Denis Veiras et l’Histoire des Ajaoiens de Bernard Le Bovier de Fontenelle portent la trace des bouleversements apportés par la nouvelle science mécanique qui remplace l’épistémè analogique de la Renaissance, par la redéfinition du droit naturel accomplie notamment par Hobbes et Spinoza, ainsi que par la montée d’une pensée libertine qui met en question les fondements théologiques du vivre ensemble. Témoins de ces changements, les textes qui forment notre corpus n’affichent pas cependant l’optimisme mièvre qui sévira au siècle des Lumières avec le triomphe de l’idéologie du progrès illimité. À l’encontre de la représentation commune qui voit dans les utopies classiques des expressions naïves du projet de création d’une société parfaite, nous formulons l’hypothèse qu’il s’agit plutôt d’expériences de pensée radicales qui ne cessent de problématiser les nouveaux rapports de domination qui émergent à l’époque moderne. Véhicules fictionnels privilégiés des idées subversives de leur temps, ces œuvres ne se bornent pas à illustrer le projet cartésien d’arraisonnement de la nature, mais ils en exposent également les failles et les écueils. En mettant en scène des sociétés séculières qui mettent en place des dispositifs disciplinaires censés exercer un contrôle total sur les aspects de la vie, les œuvres de Foigny, de Veiras et de Fontenelle dévoilent le côté obscur de l’imaginaire politique et social de la modernité.